L'euthanasie et l'aide au suicide: un choix collectif ou individuel?

Publié le par Guido De Volder

L’EUTHANASIE ET L’AIDE AU SUICIDE : UN CHOIX INDIVIDUEL OU COLLECTIF ?


Tel fut le sujet du débat qui a eu lieu à Montréal, le vendredi 7 avril 2006, à la Faculté des Sciences de l’Université du Québec à Montréal, l’UQàM, pour célébrer la Journée
internationale de la Santé, organisée sous les augures des Nations Unies
.


Mme Francine Lalonde
, députée du Bloc Québécois à la Chambre des Communes à Ottawa et auteure du projet de loi C-407 qui fut abrogé en novembre dernier lorsque le Parlement fut dissout en vue de nouvelles élections, y était entourée d’un panel de professeurs des trois universités francophones du Québec: l’Université Laval, l’Université de Montréal et l’Université du Québec à Montréal.

 
DISCUSSION EN PANEL


Madame Lalonde a encore une fois ré-itéré son intention de ré-introduire son projet de loi, plutôt tôt que tard, durant la présente session du Parlement. Ses opinions sur le sujet semblent être restées les mêmes, sur le fond. Voici son raisonnement: vu que la pratique de l’euthanasie et de l’aide au suicide se répand de plus en plus, surtout parmi ceux/celles qui peuvent se le permettre, cette pratique doit être réglée par une loi. Les soins palliatifs ne peuvent, selon Mme Lalonde, qu’être une solution complémentaire. Les gens devraient avoir le droit de mourir avec dignité pourvu que certaines balises soient respectées.

 

Le Prof. Hubert Marcoux, MD, MA, FCMF, du Département de médecine familiale à l’Université Laval et Chef du Département de gériatrie à l’Hôpital Jeffrey Hale, à Québec, nous a d’abord donné quelques statistiques pour illustrer la situation concernant l’euthanasie et l’aide au suicide en Hollande, en Belgique et en Suisse, suivi par une analyse plutôt philosophique des conséquences négatives de la souffrance, morale ou physique, pour le patient, sa famille et la société.

 

Le Prof. Patrick Vinay, MD, PhD., Professeur au Département de Médicine et des spécialités médicales, à l’Université de Montréal, et médecin à l’Unité des soins palliatifs de l’Hôpital Notre-Dame, mit l’accent sur l’urgence d’offrir de meilleurs soins palliatifs afin de permettre aux patients de vivre pleinement leur vie jusqu’au bout, même en phase terminale. Il fit mention d’une thérapie utilisant le sommeil pour aider les patients en phase terminale à intégrer leur condition de vie, leur permettant ainsi d’accepter leur condition et d’améliorer ainsi leur qualité de vie.

 

Le Prof. Brian Mishara, PhD., Professeur au Département de Psychologie à l’UQàM et Directeur du Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie (CRISE) à l’UQàM, fut le seul à critiquer ouvertement le projet de loi de Mme Lalonde. En premier lieu, pour ce qui a trait à sa formulation, en exprimant de sérieuses réservations concernant l’expression "apparemment lucide" - comme une des conditions nécessaires pour qu’un patient puisse exprimer son désir de mourir. Deuxièmement, en disant que, contrairement aux conditions légales exigées en Hollande et en Belgique, le projet de loi de Mme Lalonde permettrait à une tierce personne de participer à la mise à mort d’un patient ‘apparemment’ lucide. Finalement, le Prof. Mishara était d’avis que de bons soins palliatifs ne sont pas toujours disponibles au Canada ou au Québec, du moins, pas encore. Par contre, le suicide est déjà décriminalisé au Canada depuis 1972 ainsi que le refus de traitement médical par le patient et la possibilité d’administrer des médicaments au patient ayant le double effet de le tuer éventuellement dans le processus. Pendant la période de questions, le Prof. Mishara fut sévèrement réprimandé par un des intervenants pour avoir utilisé le mot ‘tuer’ en parlant de la mise à mort d’un patient par l’euthanasie ou par l’aide au suicide.

 

Deux autres interventions venant de la part de Me Renée Joyal, LL.D., avocate et professeure associée à la Faculté de science politique et de droit à l’UQàM, et de l’anthropologue Luce Desaulnier, Professeure au Département de communications publiques et sociales à l’UQàM et spécialiste des études sur la mort à l’UQàM se sont encore ajoutées à celles du panel qui fut modéré par la très connue journaliste Ariane Émond. Mme Renée Joyal a clairement exprimé son soucis que le droit à la mort devienne éventuellement le devoir de mourir. Tout devrait donc être fait pour prévenir une banalisation du droit à la vie, à la liberté et à la dignité. Référant aux interventions de Dr Vinay et de Prof. Mishara, Me Joyal accentuait l’importance de la recherche d’un nouvel humanisme.


L’intervention de l’anthropologue Luce Desaulnier fut l’expression académique d’un déterminisme matérialiste et d’une approche économique du problème dans le sens que lorsqu’à un moment donné il n’y aurait pas assez de soins palliatifs disponibles, la loi de l’offre et de la demande ferait inévitablement en sorte que des solutions plus drastiques entreraient en vigueur, surtout dans un contexte de pénurie de médecins et d’infirmières.

 


LA PÉRIODE DE QUESTIONS

 

A fait sortir des opinions mitigées et parfois même un peu confuses des quelque 200 participants qui avaient eu le courage de venir assister à ce débat un vendredi-soir pluvieux et plutôt maussade. Mme St-Amour, Professeure d’Éthique à l’Université de Montréal, dans une toute dernière intervention, a exhorté les membres du panel ainsi que le public à y penser deux fois avant d’ouvrir la porte de la ‘mort douce’ par compassion et celle de l’aide au suicide.

 

Guido De Volder,

Montréal, avril 2006.

Publié dans Guido De Volder

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